Je rejoins Kobe sur l’ensemble du propos et je voudrais revenir plus particulièrement sur une réflexion qu’on devrait avoir plus souvent sur les joueurs eux-mêmes.
Au-delà du débat “Vu ce qu’ils gagnent, ils ont un devoir d’exemplarité auprès des enfants, etc…”, finalement à partir de quand on a considéré qu’un joueur de foot devait accepter sans broncher le fait de se faire insulter H24, d’être fustigé par la presse et de n’être qu’une marchandise qui sert de monnaie d’échange pour les clubs. Je peux clairement pas blairer Evra, il y a aussi beaucoup de faits qui sont à retenir contre lui dans son attitude au club, il accepte très mal de ne jouer qu’en Europa Ligue et apparemment il y a eu des blessures diplomatiques pour l’éviter de jouer au Vélodrome dans les gros matchs. Dans ce cas précis, le club me semble irréprochable pour le préserver autant que possible des tensions.
Mais j’en reviens à ma question de départ, quel que soit le salaire qu’il touche, doit on ne rien pardonner au joueur de foot, doit on considérer que la pression est une constituante naturelle du métier ? Peut-on refuser d’accepter qu’un joueur ne soit pas imperméable à la pression et aux insultes, qu’il doit être bon sur le terrain en permanence en dépit de tout ça ? Parce qu’au final, penser ça, c’est réduire le foot à une donnée économique où l’humain doit s’effacer au profit de la performance, où il lui est interdit d’avoir des failles sous peine de mettre en péril les résultats du club, donc sa santé économique.
On a tout à fait le droit d’être cynique de ce point de vue et considérer que c’est un métier à part, avec des exigences morales à part, parce que l’argent peut rendre confortable cette situation. Je suis vraiment déçu de voir jour après jour que même les supporters placent l’intérêt financier de leur club de coeur en pôle position de leurs priorités, parfois même avant le résultat sportif, l’attachement aux joueurs (il faut vendre machin avant que sa cote baisse sur le marché, il faut acheter bidule parce qu’on a la thune pour le recruter). Et dans tout ça, on oublie que le foot reste un sport, depuis bien trop d’années. Les supporters se font engrainer dans cette logique et ils en sont devenus les principaux légitimant, ce qui arrange très bien les patrons de clubs.
Pour approfondir le débat, je vous conseille vraiment le témoignage de Maxime Blanchard chez Romain Molina. Vous pourrez me dire que c’est à une échelle sportive moins grande, donc que le mal être y est d’autant plus légitime qu’il est alimenté par la précarité mais justement, posez-vous la question plus de 5 minutes : La hauteur du salaire et de l’échelle sportive justifient-ils à eux seuls que certains joueurs dussent être plus irréprochable et imperméable à la pression que d’autres, alors qu’on a affaire dans tous les cas à des êtres humains ? Demandez donc à Sebastian Deisler ou Robert Enke ce qu’ils en pensent.